La Pharmacopée de la mer

Le nom « Pharmacopée » évoque immédiatement un savoir médicinal basé sur une expérience traditionnelle étendue.

On parle de la Pharmacopée française, répertoire officiel de plantes médicinales dont la vente est soit réservée au monopole pharmaceutique, soit libérée avec vente en l’état.

On parle de Pharmacopées traditionnelles européennes,  chinoises, ayurvédiques, des pays d’Outre-mer …

Mais la plupart du temps, on parle plantes médicinales ou aromatiques. Ces dernières années, les européens en mal d’innovation ont commencé à se tourner vers les trésors de la mer.

Les océans, les mers renferment des trésors inexploités.  Et puisque la nature est devenue l’instrument des sociétés pharmaceutiques pour créer de nouveaux médicaments, comment se fait-il que si peu de médicaments soient fabriqués à partir d’organismes marins ?

Car depuis toujours, les hommes conçoivent l’univers marin comme un univers alimentaire. On pêche à outrance, et dans des pays toujours plus lointains pour « étonner » un consommateur blasé !

Les eaux démontées, les collectes difficiles et l’identification des planctons, algues peu évidente devant les lacunes des connaissances de ce monde marin …  Mais soyons logiques ! Ces substrats de santé potentiels ont résisté aux dommages créés par les hommes.

La partie la plus visible du plancton (organismes animaux, végétaux : macro- et microalgues, méduses, crustacés, oursins, poissons) est étudiée depuis quelques années pour essayer de trouver une supplémentation protéique, glucidique, minérale aux pays, en cas de problème de guerre … les progrès technologiques ont permis de découvrir le monde de l’infiniment petit.

La connaissance des bienfaits des produits de la mer est encore très superficielle pour les européens, mais les asiatiques les exploitent depuis des décennies.

La pharmacopée chinoise présente deux aspects : une version préventive, une version curative. Les asiatiques sont très sourcilleux sur l’art de maintenir un équilibre des forces organiques, les algues par exemples sont leurs légumes, leurs apports protéiques venant de la mer. Les algues sont en médecine chinoise recommandées pour bloquer la croissance des cellules cancéreuses, éviter les œdèmes de la fonction cardiaque, réguler les menstruations, soulager l’arthrose. Des recettes bien anciennes mais qui sont restées en usage.

Parler de la pharmacopée de la mer, c’est s’appuyer sur quels organismes ?

Pour les européens, les algues représentent ces filaments sombres rejetés par la mer, et qui font peur aux baigneurs. Et pourtant, les algues sont de véritables réservoirs de substances médicinales actives. Elles présentent des différences biochimiques intéressantes dans leurs métabolites glucidiques par rapport aux végétaux terrestres.

 

On trouve les macroalgues, biomasse exploitée principalement par les pays asiatiques :

   Les macroalgues brunes ou Phaeophycées:  les plus connues sont les laminaires ou goémons, on trouve aussi le wakamé, le haricot de mer. Ces algues sont sombres car elles vivent vers 60 mètres de profondeur, en général accrochées à des rochers, des aspérités par des crampons. Elles sont utilisées comme biocatalyseurs, mais aussi en industrie pharmaceutique pour leur richesse en fucoïdanes (antitumoral).

o   Les macroalgues rouges ou Rhodophycées : celles qui permettent d’obtenir les carraghénanes (un excipient épaississant en industrie alimentaire. Egalement l’agar-agar, épaississant, support de milieux de cultures en bactériologie, fournisseur de pigments les phycobiliprotéines. Pas restrictives sur la profondeur, le milieu de vie, ces multicellulaires ont tendance à s’accrocher -rochers, coquillages)

o   Les macroalgues vertes ou chlorophycées : elles s’installent quelle que soit la profondeur, la structure du fond de mer (sable ou coraux). Riches en pigments photosynthétiques (chlorophylle), elles colonisent tous les types de milieu. Leurs rôles potentiels : les ulvanes (extraits polysaccharides anioniques sulfatés, hydrosolubles) peuvent avoir un rôle dans la santé comme immunostimulant, surtout dans la défense antivirale, et en biotechnologie comme nanomatériaux composites. Certaines algues vertes ont malheureusement mauvaise réputation avec par exemple la caulerpa taxifolia qui a envahi les fonds méditerranéens.

Il existe également les microalgues, longtemps inconnues de l’occident, elles sont considérées en Asie, et en particulier au Japon comme un « aliment protéique d’intérêt national », ce précisément pour la chlorella.

 

Les marchés principaux étaient au tout début des exploitations l’aquaculture et la pigmentation de poissons et crustacés, la dépollution des eaux, puis les compléments alimentaires en très forte croissance.

 

o   Les principales espèces cultivées sont : Arthrospira platensis (spiruline), Chlorelles, Dunaliella salina, Haematococcus pluvialis, Odontella aurita (diatomée).

o   Un marché très fructueux avec les compléments alimentaires, des objectivations basées sur les pigments (antioxydants), sur les acides gras polyinsaturés (DHA), sur des potentiels à l’étude (les anticholestérols et les probiotiques).

o   Le marché pharmaceutique avec des extractions de composés immunostimulants (bêta-glucanes),  des agents cicatrisants (polysaccharides extracellulaires), des agents antiviraux (polysaccharides sulfatés), des antitumoraux (cryptophycine), récemment La disponibilité d’ARA-C, un analogue nucléosidique qui est un composant basique dans le traitement de la leucémie myéloïde aiguë, et sa gemcitabine analogue fluorée, un outil thérapeutique important dans le traitement du cancer du pancréas et dans le cancer du poumon non à petites cellules …

o   Le marché cosmétique avec des crèmes minceur, des écrans solaires, des produits pour les SPA.

o   Des marchés technologique : biodiésel, biomasse traitée

o   Des centaines de brevets ont été publiés avec la description de nouveaux produits bioactifs d’origine marine.

 

Quel est le centre d’intérêt principal de cette course toute nouvelle des industries pharmaceutiques pour les algues ?

LE MARCHE !

Les océans représentent près de 70% de la surface du globe. Ils représentent ainsi de nouvelles perspectives médicinales. Les industries pharmaceutiques ont à ce jour criblé plusieurs centaines de plantes afin d’extraire l’antitumoral polyvalent et efficace.

Les microorganismes sont souvent devenus automatiquement résistants aux antibiotiques utilisés depuis trop longtemps et souvent à mauvais escient. On parle toujours des problèmes neurologiques et cardiovasculaires afférents à un déséquilibre entre le rapport oméga 3/ oméga 6 … et les diatomées par exemples sont des réservoirs de ces acides gras à l’état pur, on peut également se pencher sur les propriétés antioxydantes des caroténoïdes et de leur valeur thérapeutique depuis les traitements de certains cancers à la protection de la vision et de la peau. L’astaxanthine (antioxydant), dont l’action antiinflammatoire est excellente contre les crises d’arthrite. L’utilisation des microalgues comme ingénierie métabolique pour synthétiser anticorps et hormones. L’apport d’iode pour le bon fonctionnement de la thyroïde …

Une panoplie de substances remarquables, innovantes pour l’ethnopharmacologie et la pharmacognosie !

Deux produits, la rabectedin et l’aplidine  (new drugs from the sea, D’Incalci M. and co) ont montré des activités antitumorales sur les sarcomes de la moelle et les cancers ovariens résistants à toute autre chimiothérapie. Leur mécanisme d’action étant différent des traitements classiques.

Il existe des recherches sur l’action antibiotique de certaines macroalgues. Des essais cliniques sont menés sur les propriétés hypotensives  d’un acide aminé extrait des algues brunes …

 

Sans oublier la Criste marine (ce fenouil de la mer), sa distillation donne une huile essentielle drainante qui favorise l’élimination de l’eau et des graisses, et un hydrolat qui se marie très bien avec la cuisson du riz pour fabriquer des sushis !

L’eau de mer (prélevée un peu loin des zones habitées) qui contient tous les oligoéléments nécessaires à la vie.

Cathy


 

 

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6 commentaires pour La Pharmacopée de la mer

  1. Jean Claude Divet dit :

    La mer est un vrai puits de richesses. Merci Cathy pour ce partage.

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  2. Très intéressante réflexion pour la pharmacopée bien sûr mais aussi sur l’évolution du marché du bien-être et des produits naturels. Quand nous aurons consommés toutes les ressources naturelles, irons-nous chercher de nouvelles sur la lune?

    Aimé par 2 personnes

    • Jean Claude Divet dit :

      Ta réflexion a du bon sens mais si ces lieux ne sont pas saccagés par les trusts pour faire du fric ça le fera. Par exemple quand on cueille une plante sauvage il faut prendre soin de couper au dessus de la racine pour qu’elle repousse l’année d’après. Je cueille de la prèle toujours muni d’un ciseau afin de ne pas endommager la racine. Pour toutes les plantes sauvages on devrait faire pareil et on s’apercevra vite que les ressources naturelles sont inépuisables à condition de jouer le jeu. Je ne suis pas certains que les cueilleurs qui ont pour but de faire du fric, encore du fric.. Etc.. soient dans le même tempo.

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      • En effet, ce n’est pas la même histoire. Il y a de l’éducation à faire auprès des amateurs pour qu’ils apprennent à respecter la nature et son renouvellement.
        Mais il y a peu de chance que nous ayons la possibilité de changer le comportement des marchands dont la seule philosophie est le profit.
        On va même jusqu’à imposer l’interdiction d’empêcher le marché. Business is business.
        Alors continuons à ramasser les « simples » et autres herbes pas folles au ciseau avec parcimonie mais il faudrait aussi trouver le moyen de couper l’herbe sous le pied des profiteurs.

        Aimé par 1 personne

    • Jean Claude Divet dit :

      On va bien trouver dans le temps.

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